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Les Français trouvent leur système de retraite trop complexe. Ils ignorent ce qu’ils toucheront une fois quittée la vie active. Ils éprouvent de sérieux doutes sur la viabilité du système actuel mais redoutent encore plus ses évolutions. La dernière réforme des retraites, totalement disparue des radars pour cause de crise sanitaire, a montré la difficulté de modifier un système qui semble gravé dans le marbre. Pourtant, d’autres systèmes existent chez nos voisins européens. Prenons un peu de recul avec le COR (Conseil d’orientation des retraites) qui a publié un comparatif très intéressant des systèmes de retraite en France et à l’étranger.
Au fait, à quoi sert un système de retraite ?
En France, la retraite permet à chacun de conserver un niveau de revenu en rapport avec ce qu’il a touché durant sa carrière. Les retraités perçoivent une pension calculée, plus ou moins directement, sur la base de leurs revenus. La plupart de nos voisins (Allemagne, Italie, Belgique, Espagne) poursuivent cet objectif. Mais d’autres pays ont une ambition différente : garantir un revenu minimum décent à tout le monde et les laisser se débrouiller pour le reste. C’est le cas du Royaume-Uni et des Pays-Bas qui servent aux retraités une pension forfaitaire, sans référence aux revenus de la vie active, et financée par les cotisations de tous. Reste à s’accorder sur ce qu’est un revenu décent. Ainsi, aux Pays-Bas, une personne seule retraitée touche (sous certaines conditions très accessibles) une pension mensuelle de 1 270,67 euros. Beaucoup moins au Royaume-Uni… Porté par des pays libéraux, ce système est plus redistributif mais conduit naturellement au développement de solutions complémentaires de retraite par capitalisation, individuelles ou collectives. La Suède a adopté un système intermédiaire dans la mesure où, au-delà d’un minimum universel garanti, les pensions sont proportionnelles aux cotisations acquittées, mais elles doivent être complétées par des régimes privés.
Les débats autour des systèmes des retraites se focalisent souvent sur des questions de paramètres techniques : durée, montant, plafonds, pourcentages…Ils ne seraient pas moins intéressants s’ils posaient cette question : à quoi sert notre système de retraite ? Le système des Pays-Bas ne s’occupe que du minimum : il est moins couteux que le français et fait la part belle aux fonds de pension. Mais, ceux qui n’ont pas eu une carrière très lucrative touchent à la retraite, chaque mois, près de 400 euros de plus que les titulaires français du minimum vieillesse.
Où les dépenses de retraite pèsent-elles le plus lourd ?
Avec 15,6% de son PIB consacrés au financement des retraites, l’Italie est le pays où les retraites pèsent le plus lourd dans le budget national. Parmi les pays examinés par le COR, c’est la France qui arrive en deuxième position avec 13,6%. Allemagne, Belgique et Espagne consacrent entre 10 et 11% de leur PIB au financement des retraites. Tous ces pays ont un système contributif, c’est-à-dire que les retraités perçoivent un salaire plus ou moins proportionnel à leur contribution. L’Italie et la France se distinguent, notamment, par le niveau élevé des plafonds, qui permettent de gagner des droits jusqu’à de hauts niveaux de rémunération (jusqu’à 100 000 euros par an pour l’Italie).
Naturellement, dans la mesure où elles ne couvrent que les ressources de base, les dépenses publiques des Pays-Bas et du Royaume-Uni sont plus faibles, respectivement 5,2 et 5,6% du PIB. En y ajoutant les financements privés, on atteint 9,6% et 10,8% ; des efforts finalement comparables aux autres pays. Tout compris, la France consacre au financement des retraites une part de son PIB supérieure d’environ 2% à la moyenne des pays suivis par le COR, soit pas loin de deux fois le budget qu’elle consacre à l’enseignement supérieur.
Quelle est la part des fonds de pension et assureurs privés ?
Sans surprise, ce sont les Néerlandais et les Britanniques qui mènent la danse en matière de retraites privées par capitalisation. Aux Pays-Bas, les encours gérés par des organismes d’épargne retraite ont presque doublé en 10 ans pour atteindre un montant proche de deux fois le PIB national. Ces encours sont massivement drainés par des dispositifs professionnels collectifs qui couvrent la quasi-totalité des travailleurs. En Suède, ces encours représentent 100% du PIB. La France figure en queue de peloton, mais toutefois devant l’Allemagne, avec des encours d’épargne retraite privée qui dépassent à peine 10% du PIB.
Qui sont les retraités les mieux lotis ?
Si l’on compare le niveau de vie des seniors à l’ensemble de la population, seule la France dépasse les 100%, c’est-à-dire que les revenus des retraités sont supérieurs à la moyenne nationale. L’Italie est très proche. Dans des pays comme les le Royaume-Uni, Pays-Bas, la Suède, l’Allemagne, le niveau de vie des retraités s’échelonne entre 80 et 90% de la moyenne nationale. Or, le COR pointe du doigt une corrélation inversée tout à fait paradoxale, entre l’opinion générale sur le niveau de vie des retraités et leur niveau de vie réel. En d’autres termes, plus les revenus des retraités sont élevés par rapport au reste de la population, moins l’opinion générale sur leur niveau de vie est favorable. En effet, au classement des mécontents du niveau de vie des retraités, l’Italie et la France sont en tête.
Où part-on le plus tôt à la retraite ?
Dans la course au départ en retraite, les champions européens sont… les Belges. Ils devancent d’une courte tête les Français avec un âge moyen de sortie effective du marché du travail proche de 62 ans (Chiffres de 2017). La moyenne de l’Union Européenne se situe au-delà de 63 ans tandis que les Allemands, Britanniques et Néerlandais attendent d’avoir dépassé les 64 ans pour goûter un repos mérité. Mais les plus résistants se trouvent en Suède où les actifs cessent de travailler après 65 ans.
Les différences d’âge de départ en retraite créent mécaniquement des différences de « durée espérée de retraite » qui pèsent sur les finances. Ainsi, un homme suédois touchera en moyenne sa retraite pendant 18 ans, tandis qu’un Français en bénéficiera plus de 22 ans, et une Française plus de 26.
Allonger la durée de travail en France pour la faire coïncider avec celle des voisins semblerait une solution rationnelle pour résorber le déficit des retraites… Pas si simple ! Car les Français sont fermement décidés à ne pas s’éterniser dans la vie active. À la question « Jusqu’à quel âge voulez-vous travailler ? », ils répondent en moyenne 60,8 ans quand les Italiens, Suédois et Néerlandais consentiraient volontiers à travailler jusqu’à 63,5 ans. Quant aux Allemands, ils dépassent tout le monde avec un âge désiré de départ en retraite de 64,5 ans. Nos voisins d’Outre-Rhin semblent se plaire dans la vie active ! Pour expliquer ce décalage considérable, le COR fait l’hypothèse que le désir de quitter la vie active au plus tôt serait lié à un degré moindre de satisfaction au travail en France… Et si, finalement, l’amélioration de la qualité de vie au travail était la condition sine qua none pour rendre une future réforme des retraites acceptable ?
Lien vers le rapport du COR
https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2020-12/Rapport_international_2020.pdf
Présentation synthétique
https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2020-12/Plénière_Vdef.pdf
Article écrit par
Damien Vieillard-Baron