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Les pouvoirs publics veulent la peau du reste à charge ! Depuis bientôt 10 ans, les évolutions réglementaires dans le domaine de l’Assurance maladie n’ont eu de cesse de réduire la part déboursée par les Français pour leur santé. Après la généralisation de la complémentaire santé et les efforts désespérés pour maîtriser les dépassements d’honoraires via les « Optam » et autres « CAS », la réforme du 100% santé, mise en œuvre totalement depuis le 1er janvier, a rendu les soins dentaires, prothèses audio et équipements optiques presque gratuits. Tandis que les effets de cette dernière réforme ne sont pas encore visibles dans les études, la France est déjà l’un des pays de l’OCDE où le reste à charge est le plus faible. Une avancée sociale qui ne masque toutefois pas certaines lacunes.
Reste à charge inférieur à 7%, un plus bas historique
En 2019, les dépenses de santé, en France, se sont élevées à 3 102 euros par habitant. La part déboursée in fine par les patients, après prise en charge de l’assurance maladie et remboursements des complémentaires santé, s’est limitée, en moyenne, à 213 euros, soit 6,9% de la facture totale. C’est le plus bas reste à charge jamais atteint. En 2016, cette part se situait encore à 7,7%.
La part des organismes complémentaires dans le financement des dépenses de santé se situe désormais à 13,4%. Un chiffre en légère augmentation. La généralisation de la complémentaire santé et la mise en œuvre de la portabilité ont eu pour effet d’augmenter le taux de couverture chez les personnes les plus fragiles.
La réforme du 100% santé, dont l’objectif affiché est de venir à bout du renoncement aux soins dans le dentaire, l’optique et l’audiologie, devrait confirmer la tendance à la hausse des prestations complémentaires. C’est, en effet, en 2020 et 2021, que les mesures les plus significatives sur l’optique et le dentaire sont entrées en application. Or, en 2019, les soins dentaires et les dépenses d’optique comptaient pour près de 30% du reste à charge des ménages. Même si la crise sanitaire a perturbé considérablement la mise en œuvre de cette réforme, tout laisse penser que la baisse du reste à charge va se poursuivre.
Maladies chroniques et vieillissement de la population
Si les organismes complémentaires ont pris à leur compte une partie de la baisse du reste à charge, du fait des réformes successives, l’Assurance maladie y a été de sa poche aussi, très largement. En effet, le poids des dépenses de santé prises en charge à 100% dans le cadre des affections longue durée (ALD) n’a cessé de croître. Selon la Drees, les dépenses de santé pour les personnes en ALD (diabète, cancers, affections psychiatrique, maladies cardio-vasculaires…), s’élèvent, en moyenne, à 8 900 euros par assuré, soit 7 fois plus que pour le reste de la population. Au total, les 18% d’assurés qui sont en ALD concentrent 60% des dépenses ! Plus l’âge augmente, plus la part de la population en ALD augmente.
À partir de 75 ans, plus de la moitié des assurés sont en ALD, contre 5% pour les moins de 45 ans. Finalement, la réduction du reste à charge s’explique aussi par la progression des dépenses liées aux pathologies lourdes qui sont intégralement remboursées. Le vieillissement de la population devrait donc contribuer à accroître cette tendance durant les prochaines années.
La France, championne du zéro reste à charge
Comment les assurés de nos voisins européens sont-ils remboursés de leurs frais de santé ? Moins bien qu’en France !
Avec un mode de calcul différent – pour les comparaisons internationales – qui intègre les « soins longues durées » correspondant à des prestations liées à la dépendance, la France ne laisse que 9,2% des dépenses de santé à la charge des ménages, contre 15,5% pour l’UE-15 (les 15 pays les plus développés de l’Union européenne).
En Italie, les ménages prennent en charge 23,5% de leurs dépenses de santé, tandis que les allemands, suédois et danois ont payé de leur poche entre 12 et 14% de leurs frais de santé, pour une facture annuelle proche des 600 euros.
Mais partout en Europe la tendance est à la hausse de la prise en charge des dépenses de santé, notamment du fait de la progression des assurances privées obligatoires.
Les angles morts du reste à charge
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics se sont focalisés sur la question du reste à charge sur les frais de santé.
Il existe pourtant, en France, des oubliés du reste à charge : les personnes en situation de dépendance qui bénéficient de soins de longue durée (aide au lever, toilettes, aide à domicile ou dans les établissements d’hébergement).
Dans ce domaine, la France se situe plutôt en queue de peloton européen. En effet, les ménages français prennent à leur charge 25% de ces dépenses, tandis que le reste à charge dépasse à peine 20% pour la moyenne des pays de l’UE-15, et moins de 10% pour la Suède, les Pays-Bas et le Danemark. Cette comparaison avec nos voisins est peu flatteuse pour la France. Elle nous remet en mémoire une réforme qui figure dans tous les programmes politiques depuis plus de quinze ans et qui semble impossible à concrétiser, bien qu’elle soit nécessaire : la réforme de la dépendance.
Un chantier complexe qui a montré le bout de son nez en 2019, avant d’être renvoyé sous la pile des priorités par la crise due au Covid-19. A n’en point douter, un sujet largement prioritaire à celui de la « grande sécu ».
Article écrit par
Margaux Vieillard-Baron