Réinventer la médecine : rencontre avec le professeur Vallancien

Rédigé par Margaux VB        Publié le 03/08/2017

Le 8 juin, GEREP organisait une rencontre entre le Professeur Guy Vallancien. Pionnier de robotique opératoire, ce chirurgien reconnu a été un infatigable promoteur de la technologie dans la pratique médicale et l’organisation des soins. Dans plusieurs livres, il s’interroge sur les mutations à venir dans le monde de la santé, et les limites à y apporter. Des échanges passionnants pour les responsables et professionnels des ressources humaines, et l’occasion, pour eux, de faire un bond dans le futur.

Pas assez de médecins, vraiment ?

Quand il s’agit de dresser un bilan du système médical, le Professeur Vallancien n’y va pas au scalpel mais à la dynamite. Il interroge : pourquoi considère-t-on le manque de médecins comme une évidence, alors qu’en quarante ans leur nombre a été multiplié par quatre ? Tout simplement parce qu’on leur demande trop de choses. Nous sommes encore à l’époque du « médecin à tout faire ». Un modèle qui s’essouffle : de moins en moins de médecins sont prêts à enchaîner les semaines de 70 heures, avec des consultations à 23 €. Ses solutions : transférer une partie de leurs attributions, comme les vaccinations, à des maisons de santé, avec des professionnels de santé dont chaque niveau correspond au besoin réel et décharger les médecins de ces tâches qui mobilisent inutilement leur expertise. 

Imaginer la médecine dans 10 ans

Sa vision de la distribution de la médecine sur le territoire n’est pas moins iconoclaste. Après avoir effectué plusieurs missions ministérielles sur le sujet, il souligne le déficit des petites villes en matière d’accès aux soins et de qualité des interventions : 2,5 fois plus d’erreurs médicales sont commises dans les petits hôpitaux. À mille lieues des approches strictement budgétaires, il préconise une réorganisation des soins, en tirant partie des évolutions technologiques et de la révolution numérique : développement de la médecine à distance, « la télémédecine », utilisation des objets connectés dans le suivi des patients, généralisation de la médecine assistée par ordinateur, levée des freins réglementaires à la mise en œuvre du dossier médical partagé… Ces évolutions bouleversent le rôle du médecin et sa formation. Qu’à cela ne tienne ! Il plaide également pour une refonte des études de médecine, échelonnée comme l’ensemble des autres disciplines universitaires, et intégrant des spécialités comme la robotique.

La technologie sous le contrôle du médecin

Si le Professeur Vallancien fait valser les tabous dans l’organisation des soins, il se montre beaucoup plus respectueux de l’éthique médicale. Dans son dernier livre, Homo Artificialisil aborde la question du transhumanisme, et fixe une frontière entre l’homme réparé et l’homme augmenté. Les progrès technologiques permettent, d’ores et déjà, d’améliorer les capacités des êtres humains. Aujourd’hui, les forces spéciales américaines subissent des opérations pour améliorer leur vue. En Chine, la science teste l’amélioration des capacités intellectuelles par génie génétique des futurs enfants. Demain, les patients solliciteront ils leur médecin pour acquérir de nouvelles « fonctionnalités » ? Faut il passer « de l’homme réparé à l’homme augmenté » ? Non, c’est une dérive inacceptable pour le chirurgien qui souhaite lancer le débat en France. Si le progrès permet, sans dommages, de révolutionner les techniques médicales, et parfois de remplacer le praticien par un robot, la conscience et l’intelligence émotionnelle resteront l’apanage du médecin. Une preuve qu’on peut se projeter vers l’avenir et l’innovation technique avec enthousiasme, sans tourner le dos au serment d’Hippocrate. 

Les Ateliers de la protection sociale organisent régulièrement des événements et conférences qui permettent aux professionnels des ressources humaines et de la protection sociale de prendre du recul sur leurs pratiques, d’observer leur secteur d’activité et leur univers sous un angle nouveau et de faire des rencontres inspirantes.

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Article écrit par
Margaux Vieillard-Baron

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