Réforme de retraite complémentaire : quelle stratégie adopter

Rédigé par Damien Vieillard-Baron        Publié le 03/04/2018

En 2015, les partenaires sociaux s’accordaient sur une série de mesures destinées à résorber le déficit des régimes complémentaires Arrco et Agirc. L’une d’entre elles, qui prendra effet au 1er janvier 2019, consiste en un système de bonus / malus provisoire portant sur les pensions des régimes complémentaires. Imaginé pour encourager les salariés à différer d’un an leur départ, ce dispositif pourrait, au contraire, en inciter certains à partir plus tôt.

Minoration de 10 % pour un départ dit « à taux plein »

À compter de 2019, les salariés qui décideront de partir en retraite aussitôt qu’ils auront réuni les conditions d’un départ à taux plein, subiront une minoration de 10% de leur pension complémentaire Arrco-Agirc, pendant un à trois ans. Par exemple,  un cadre, né en 1957, rémunéré 4.500 euros nets par mois, peut, aujourd’hui, espérer une rente mensuelle d’environ 3.000 euros, à partir du moment où il a amassé patiemment ses 166 trimestres. Cette pension provient pour partie du régime général (environ 1400 euros), et des régimes complémentaires Arrco-Agirc (environ 1600 euros). Que se passera-t-il pour le même cas en 2019 ? Le retraité, partant « à taux plein », sera pénalisé de 10% de la part complémentaire, pour une durée de trois ans, avant de retrouver « son véritable taux plein ». Il aura, ainsi, perdu la bagatelle de 160 euros par mois, pendant 36 mois, soit 5.760 euros sur trois ans.

Comment éviter cette punition ? En différant son départ en retraite. Notre cadre, fêtant ses 166 trimestres de cotisation en juin 2019, pourra retrouver son véritable « taux plein » (au sens Arrco-Agirc, cette fois-ci) en travaillant quatre trimestres de plus. Concrètement, il lui faudra alors travailler jusqu’à juin 2020. Si, pris par l’élan, il prolonge de quatre autres trimestres sa vie active, jusqu’à 2021, il bénéficiera d’un bonus de 10% pendant un an. C’est bien là l’objectif de la réforme : inciter les salariés à repousser la date de leur départ en retraite d’une voire deux années.

Partir avant le taux plein pour éviter le malus : quelles conséquences ?

Le malus s’appliquant à compter du moment où l’on a atteint les conditions du taux plein (au sens du régime général), il pourrait être tentant de partir un trimestre plus tôt pour y échapper. Mais cette décision entrainerait une décote viagère, c’est-à-dire ad vitam aeternam, sur l’ensemble de la pension (régime général + régime complémentaire). Ainsi, notre jeune retraité, impatient et désireux d’échapper au malus, perdrait-il, pour avoir devancé l’appel d’un trimestre, quelque 50 euros par mois. Au bout de 10 ans, la perte mensuelle viagère s’élèverait donc à 6000 euros (50 euros x 120 mois), et compenserait la perte de revenus liée au malus (5.760 euros). Financièrement, il est donc préférable de subir le nouveau malus provisoire plutôt que de subir une décote viagère liée au départ avant taux plein. 

De quoi semer le doute dans l’esprit des salariés ?

Cependant, la question ne se pose-t-elle vraiment qu’en termes rationnels et financiers ? Des études prouvent qu’une majorité de salariés ne veulent sous aucun prétexte décaler leur retrait de la vie active, et ce, quitte à y perdre financièrement. Avant la règle du bonus – malus, partir avant le taux plein semblait inconcevable voire saugrenu. En 2019, la question pourra se poser raisonnablement, avec un gain, certes, provisoire. En choisissant de partir un trimestre avant le taux plein, certains jeunes retraités, plus cigales que fourmis, préfèreront peut-être profiter de leurs belles années avec un surplus de pouvoir d’achat, plutôt que d’anticiper encore et encore la perspective d’une retraite longue. Un « tiens ! » vaut mieux que deux « tu l’auras ».

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Article écrit par
Damien Vieillard-Baron

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