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Après des négociations particulièrement tendues avec les professionnels de l’optique, le Ministère des solidarités et de la santé est parvenu à ficeler une série de nouvelles mesures et réglementations publiées au Journal officiel le 21 juin. L’objectif annoncé est de venir à bout du renoncement aux soins grâce à une offre complète d’équipements optiques sans reste à charge à compter de 2020. Quels sont les leviers de cette nouvelle donne ? Qui en seront les gagnants ou les perdants ?
Le principe : un panier de prestations à prix limite de vente (PLV)
La logique du « reste à charge zéro », en optique comme ailleurs, se fonde, en premier lieu, sur la création d’un panier de prestations à prix encadrés. En matière de verres, cette offre sans reste à charge, dite « de classe A » rassemble environ une centaine de références couvrant l’ensemble des troubles visuels. Chaque référence possède un prix limite de vente (PLV) qui sera effectif au 1er janvier 2020. Un verre unifocal sphérique de classe A (correction 0 à -2) coûtera au maximum 32,50 euros ; le prix maximum des verres progressifs s’échelonnera de 75 à 170 euros. En complément de cette offre de classe A que les opticiens seront obligés de proposer, persistera un marché libre avec des références dites de classe B.
La situation est plus simple pour les montures puisque leur tarif « sans reste à charge » a été fixé à 30 euros. Les opticiens seront obligés d’en proposer au moins 17 modèles en différents coloris. Les clients garderont la possibilité de choisir des verres « reste à charge zéro » avec des montures à prix libre.
Pour un équipement complet, 2 verres et une monture, le prix maximum de l’offre « reste à charge zéro » s’échelonnera donc entre 95 et 370 euros. Cette offre sera accessible, comme c’est le cas aujourd’hui, tous les deux ans.
Contrats responsables et assurance maladie : le jeu des vases communicants
Pour aboutir à un « reste à charge zéro », les complémentaires santé seront mises à contribution. Elles devront proposer le panier « 100 % santé », aligné sur les nouveaux prix encadrés, dans le cadre du Contrat responsable. En revanche, les plafonds des contrats responsables pourraient être légèrement rognés. Par exemple, il semble définitivement acquis que le montant maximum de prise en charge des montures sera abaissé de 150 euros à 100 euros.
L’accord final impose également un effort significatif à l’Assurance maladie sur les offres « reste à charge zéro » ou classe A. Par exemple, pour un verre unifocal (-4 à -6) dont le prix limite de vente s’élève à 47,5 euros, le tarif de base de la Sécurité sociale s’établit à 14,25 euros. C’est-à-dire que l’Assurance maladie prendra à sa charge 8,55 euros (60 % de 14,25) soit plus de 18 % du montant total. En revanche, sur les offres à prix libre, le remboursement de la Sécurité sociale se limitera à… 0,03 euros !
En résumé, les offres de base seront remboursées à 100 % tandis que les offres haut de gamme, ou sortant du panier de soins imposé, laisseront aux assurés un reste à charge plus important.
Les professionnels de l’optique sont fébriles
Quel sera le comportement des assurés face à cette nouvelle donne ? C’est la question qui hante l’ensemble de la filière optique. De leur propension à modifier leurs choix pour bénéficier de l’offre « reste à charge 0 » dépendront le coût réel de la réforme pour l’assurance maladie et les organismes complémentaires, et son impact sur l’activité des équipementiers et des opticiens. Ces derniers craignent de voir baisser leurs marges. Ils pourront toutefois se consoler en facturant des prestations remboursées à 100 %. Ce qui signe une forme de reconnaissance officielle de l’opticien comme professionnel de santé. À l’inverse, rien ne semble pouvoir consoler les fabricants de montures français. Les nouveaux plafonds de remboursement semblent les exclure, de facto, des paniers « 100 % santé », leurs productions étant définitivement rangées dans la catégorie des accessoires de mode.
Et les assurés dans tout ça ?
L’objectif poursuivi semble en passe d’être atteint puisque les assurés pourront bénéficier d’une offre complète sans reste à charge… à condition de se contenter d’une offre de base. Les principaux axes de la réforme reviennent finalement à donner de la visibilité aux solutions bon marché qui existaient déjà et à exercer un contrôle sur leur prix de vente. En théorie, des soins pour tous mais à tarif maîtrisé ! Dans la pratique, on comprend bien l’enjeu crucial que représenteront l’information des assurés et la lisibilité des offres d’équipement optiques ainsi que des contrats de complémentaires santé.
D’après le dernier communiqué du Ministère des Solidarités et de la Santé, la date d’entrée en vigueur du « panier 100 % » évoquée pour l’optique est le 1er janvier 2020. Ces mesures confortent le modèle de réseaux de soins soutenu par Gerep depuis des années pour proposer des gammes équipements en RAC O plus larges et de meilleure qualité que le minimum imposé par la Sécurité Sociale.
Article écrit par
Margaux Vieillard-Baron