Partager
Alors que la crise sanitaire liée au Covid 19 joue les prolongations, la crise économique qui l’accompagne tarde à produire ses effets dans les statistiques. En 2020, les défaillances d’entreprises ont été au plus bas depuis 1987 tandis que Pole Emploi vient d’annoncer une baisse de 2,7% du nombre de chômeurs de catégorie A sur le 4ème trimestre. Les mesures de soutien aux entreprises et le chômage partiel tendent, en effet, à retarder des dégâts qui ne manqueront pas de se matérialiser en 2021 et 2022. Entre autres désagréments, assureurs, employeurs et salariés vont être confrontés aux premières difficultés liées à la portabilité des garanties d’assurance complémentaire santé et prévoyance.
Effet de ciseaux sur la portabilité
Depuis 2015, tous les salariés qui perdent leur emploi bénéficient pendant 12 mois, sous certaines conditions, d’un maintien de leurs garanties complémentaires santé et prévoyance, en vigueur dans leur ancienne entreprise. Dans un contexte de baisse continue du chômage, cette prise en charge s’est avérée globalement conforme aux prévisions techniques (impact de l’ordre de 2,5 points de ratio technique)… jusqu’à maintenant. La baisse redoutée des effectifs des entreprises pose un problème très simple : avec moins de cotisants et plus de bénéficiaires, les régimes ont peu de chance de rester équilibrés…
Zone d’ombre autour des défaillances d’entreprises
Qui va payer pour la portabilité ? Dans le cas des défaillances d’entreprises, la loi demeure toujours aussi floue 5 ans après sa mise en application. Dans un arrêt du 5 novembre 2020, la Cour de cassation s’est prononcée sur le cas des entreprises en liquidation, mentionnant que même en l’absence de financement par l’entreprise, l’assureur devait maintenir la portabilité, tant que le contrat n’était pas résilié. Or l’ouverture d’une liquidation judiciaire ne constitue pas en soi un motif de résiliation… Trois ans plus tôt, la même juridiction avait conclu que la portabilité s’appliquait tant que le contrat perdurait, ce qui semblait signifier que les obligations de l’assureur cessaient lorsque le contrat disparaissait en même temps que l’entreprise liquidée. Depuis lors, plusieurs jugements ont, néanmoins, considéré que la résiliation n’interrompait pas la portabilité en cours, déclenchée au moment où le contrat était valide. Avec la multiplication des liquidations et des contentieux, le législateur devrait être amené à revenir sur le sujet.
Le coût de la portabilité en cas de baisse d’effectifs
Le cas des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), attendus en nombre en 2021, semble moins épineux. De nombreux assureurs ont d’ores et déjà intégré à leurs conditions générales, le principe d’une prime ou cotisation complémentaire en cas baisse marquée des effectifs. Les employeurs le savent : il n’y a pas de financement magique et ce sont bien leurs cotisations qui permettront de couvrir les risques. Plutôt que de pré-financer ce risque en alourdissant les cotisations de base, ou de déséquilibrer le régime durablement, assureurs et employeurs ont tout intérêt à compartimenter les frais liés aux réductions massives d’effectifs. En intégrant les coûts exceptionnels de la portabilité à leur PSE, l’entreprise évite de polluer durablement ses comptes de résultats et ses régimes complémentaire santé et prévoyance. Elle constate ses pertes avant de repartir du bon pied.
Article écrit par
Damien Vieillard-Baron