L’abondement, couteau suisse de l’épargne salariale

Rédigé par Margaux VB        Publié le 11/01/2022

L’épargne salariale, ainsi que l’épargne retraite, ont beaucoup inspiré les législateurs au cours des dernières années. Avant la loi Pacte1 qui a totalement restructuré l’offre, la Loi Macron2 avait introduit plusieurs nouveautés. Et depuis, les lois de finance, notamment le millésime 2021, y ont apporté quelques retouches. On peut y voir, selon les points de vue, une niche fiscale et sociale pour accorder des gratifications collectives aux salariés, une façon de développer l’épargne individuelle, une réserve de pouvoir d’achat provisoirement immobilisée, ou encore, une solution pour mieux partager la richesse produite par l’entreprise. Toutes ces dimensions existent effectivement, notamment grâce à l’abondement, outil multi-fonction de l’épargne salariale qui a connu quelques évolutions.

L’abondement, un coup de pouce à l’épargne salariale

Lorsque les salariés versent des sommes sur leur Plan d’épargne entreprise (PEE)3, les employeurs ont la possibilité d’encourager la démarche en ajoutant leur propre contribution : l’abondement. Celui-ci peut monter jusqu’à 300% du montant versé par le salarié, qu’il provienne de l’intéressement, de la participation ou d’un versement volontaire. Ce bonus de l’employeur est limité 8% du PASS (Plafond annuel de la Sécurité sociale)4 pour le PEE, soit 3.291 € pour 2021. Il peut se cumuler avec l’abondement au PERCO (Plan Epargne Retraite Collectif)5 lui-même plafonné à 16%, soit 6.582 €. C’est donc un maximum de 9.873 € qui pourra être transféré en 2021 sur les comptes d’épargne du salarié sous réserve que celui-ci y verse 3.291 €. De quoi se constituer un bel apport en quelques années pour l’acquisition de sa résidence principale, l’une des raisons qui permettent de débloquer son épargne dans les deux dispositifs… L’abondement peut donc avoir un réel impact dans la politique salariale de l’entreprise.

Une gratification à moindre coût, surtout pour les petites entreprises

L’abondement est, pour l’employeur, une charge déductible exonérée de cotisations sociales. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, il est soumis à un forfait social de 16% à 20%. Depuis le 1er janvier 2019, cette taxation a été supprimée pour les entreprises de moins de 50 salariés. Ainsi, même si la loi précise que les versements ne doivent pas se substituer à des salaires, donc à des primes, il est, de fait, une façon avantageuse de verser des gratifications aux salariés. Dans une PME de moins de 50 salariés, pour 1.000 € dépensés en abondement par l’employeur, le salarié reçoit plus de 900 € sur son compte épargne (déduction faite de la CSG et CRDS)6. Pour arriver à un même montant net sous forme de prime, il en coûtera, au minimum, 1.600 €.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’épargne salariale concerne moins d’un salarié sur 8. L’intéressement est encore jugé trop complexe et chronophage par les patrons, même si depuis juin 2020, il est possible, pour une entreprise de moins de 11 salariés, de mettre en œuvre un régime d’intéressement par décision unilatérale, en utilisant des modèles d’accord clé en main. L’abondement, plus simple, peut sans doute être un bon moyen de faire le premier pas dans l’épargne salariale, en profitant d’un outil d’une grande souplesse.

Un dispositif à géométrie variable

L’abondement est un dispositif collectif. La même règle doit s’appliquer à tous, le seul critère discriminant pouvant être l’ancienneté. Pour autant, c’est un dispositif qui laisse une grande marge de manœuvre à l’employeur. Premièrement, il peut changer la règle du jeu chaque année, en fonction de ses objectifs ou des performances de l’entreprise. Même s’il est préférable pour des raisons de lisibilité, de ne pas avoir une gestion erratique ou capricieuse de l’abondement, cette liberté est un véritable atout qui permet des décisions rapides, n’engageant pas des dépenses hasardeuses sur le long terme. Ensuite, la formule de calcul permet d’exprimer une certaine créativité pour répondre à des objectifs variés. Besoin de fidéliser les salariés ? L’abondement de 300% peut être plafonné différemment en fonction de l’ancienneté. Par exemple, moins de trois ans d’ancienneté, c’est 300% d’abondement jusqu’à 500 €. Jusqu’à 5 ans, c’est 300% pour un plafond relevé à 800 €, etc. Besoin de resserrer les liens entre la production et les bureaux ? L’abondement peut être dégressif : 300% jusqu’à 500 €, puis 100% au-delà. L’objectif : ne pas favoriser ceux qui ont la plus forte capacité d’épargne et apporter une contribution équivalente à tous les salariés.

Dans le PERCO, l’employeur peut même attribuer, de son propre chef, un abondement uniforme à l’ensemble des salariés sans que ceux-ci n’aient à opérer le moindre effort. Ce versement périodique unilatéral, opérationnel depuis 2016, est limité à 2% du PASS, soit 823 € en 2021.

L’abondement au soutien de l’actionnariat salarié

La Loi Pacte offre la même possibilité d’abondement unilatéral dans le PEE à condition que le versement soit consacré au fonds d’actionnariat salarié de l’entreprise. De même, lorsque les versements du salarié sont consacrés à l’acquisition de titres de l’entreprise dans le cadre du PEE, l’abondement de l’employeur bénéficie de quelques aménagements incitatifs : plafond relevé à 14,4% du PASS au lieu de 8% soit 5923 €, et forfait social réduit à 10%. À titre exceptionnel, le forfait social a même été supprimé par la loi de finances sur ces opérations pour 2021 et 2022.

Ces mesures visent à inciter les salariés à devenir actionnaire de leur entreprise. Dans cet esprit, la loi de finance a étendu aux ETI qui n’ont jamais versé de dividendes, l’exonération de la taxe de 20% portant sur l’attribution d’actions gratuites aux salariés. C’est clairement la tendance du moment ! Car l’épargne salariale et, tout particulièrement l’abondement, peuvent également être des outils puissants de développement de l’actionnariat salarié, jusqu’à permettre une transmission de l’entreprise aux salariés https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/ressources-humaines/0610741293524-fenetres-les-zelles-comble-sa-dette-grace-a-un-lbo-salarial-343136.php

L’abondement n’est pas un gadget. C’est un outil à large spectre. Il a les défauts de ses qualités : sa polyvalence offre tellement d’opportunités qu’on a parfois du mal à s’en saisir. Au gré des mesures incitatives, on voit les taux, les plafonds, et les exceptions s’accumuler au risque de brouiller quelque peu l’une des principales qualités de l’abondement : sa simplicité.

  1. PACTE, le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises
  2. (Loi Macron) loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
  3. Plan d’épargne entreprise (PEE)
  4. Plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS).
  5. Plan Épargne Retraite Entreprise Collectif (PERCO)
  6. Contribution Sociale Généralisée (CSG); Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS)
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !

Article écrit par
Margaux Vieillard-Baron

Suivez-nous !