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Neuf constats et vingt propositions répartis sur 17 pages, c’est ce qui résulte de la mission menée par MM. Bérard, Oustric et Seiller, un DRH, un médecin et un haut fonctionnaire qui ont planché durant des mois sur des solutions pour mieux maîtriser les arrêts maladie. Leur rapport est documenté, intéressant, même parfois novateur et audacieux. Le ton et les pistes d’action trahissent toutefois une prudence excessive, à l’égard de tout ce qui pourrait, éventuellement, être perçu comme un recul des droits des salariés. Au risque de perdre en simplicité et en efficacité ? Sans doute. Voici quelques tendances du rapport que nous avons relevées.
Un coup de pression sur la prévention des arrêts
Lier la question des arrêts maladie à la qualité de vie au travail et à la politique de prévention santé de l’entreprise n’a rien d’original. En France plus qu’ailleurs, il est pourtant indispensable de marteler cette évidence : les employeurs ont une responsabilité et une marge de manœuvre importante dans la lutte contre l’absentéisme. Le rapport commence donc par rappeler quelques bonnes pratiques en matière de prévention, avant de proposer que chaque entreprise puisse obtenir son « profil » en terme d’absentéisme, comparé aux chiffres de son secteur d’activité. Puisqu’on peut comparer, pourquoi ne pas moduler les taux de cotisations maladie en fonction des écarts de sinistralité ? C’est ce que suggère le rapport, non sans aborder au bout de quelques lignes la possibilité d’une bonification pour les salariés âgés ou en situation de handicap… ou comment une idée qui semble pertinente sur le papier risque de se transformer en usine à gaz !
Des alternatives innovantes au repos total
Le rapport ne se contente pas de proposer de frapper au portefeuille les mauvais élèves. Il aborde tout particulièrement la question des arrêts maladie de longue durée, de loin les plus coûteux : ceux de plus d’un mois ne représentent qu’un quart des arrêts, mais comptent pour 82% des remboursements.
Or ce n’est pas sous l’angle financier que le rapport aborde cette problématique mais sous l’angle humain. Ce qui le rend d’autant plus consensuel et, donc, convaincant. L’enjeu : la prévention de la désinsertion professionnelle. « Une personne arrêtée plus de 6 mois perdrait la moitié de ses chances de retrouver son travail, » affirme le rapport. Dès lors, comment éviter au salarié de perdre pied avec le monde du travail ou faciliter la reprise de son poste ? En mobilisant un maximum d’outils : temps partiel thérapeutique, possibilité de télétravail, adaptation du poste de travail ou même période de formation pendant l’arrêt maladie. Certains dispositifs existent. Il faut en faciliter l’accès. D’autres réclameraient un aménagement du droit.
Toujours dans l’idée de ne pas couper les ponts avec le monde du travail, certaines alternatives aux arrêts maladie pourraient enrichir la palette de solutions du médecin face à son patient. Par exemple, il pourrait lui prescrire du télétravail mais, précise le rapport, « il s’agirait d’une option au choix du salarié. »
Une volonté de simplification appréciable, mais…
Simplifier les procédures et les règles d’indemnisation permettrait à la fois d’économiser du temps de gestion administrative et de clarifier les droits des salariés. Une logique que l’on ne peut que saluer. Parmi les propositions les plus commentées figure celle-ci : forfaitiser l’indemnité maladie versée par la Sécurité sociale. Aujourd’hui, elle est plafonnée à 0,9 Smic (50% du salaire jusqu’à 1,8 Smic). Demain, elle pourrait être égale à un montant fixe pour tous les salariés. Le chiffre de 0,7 Smic a été évoqué. La première conséquence serait d’éviter les calculs d’apothicaire. La seconde serait de proportionnellement mieux couvrir les entreprises à bas salaires. En effet, le complément restant à leur charge pour atteindre les 90% de la rémunération du salarié absent, serait mécaniquement minoré.
Des entreprises lourdement mises à contribution
Pour rendre plus lisibles les droits des salariés, le rapport suggère également d’harmoniser les modes de calculs et les conditions d’ouverture de droits. Il s’agirait, par exemple, d’aligner le droit au complément employeur sur les règles de la Sécurité sociale : les salariés nouvellement embauchés ou les CDD y auraient accès « dès lors qu’ils seraient éligibles à l’indemnisation par la Sécurité sociale. » Autre suggestion : l’alignement du délai de carence du complément employeur de l’entreprise (7 jours) sur celui de la Sécu (3 jours). Une avancée sociale intégralement financée par le chéquier de l’employeur !
Car, pour leur part, les salariés absents sont plutôt ménagés. Certes le rapport évoque, du bout des lèvres, l’introduction d’un jour de carence universel qui ne serait pas indemnisable ; un sujet hautement sensible qui réclame des contreparties ! Le rapport propose ainsi la généralisation de la subrogation, c’est-à-dire l’obligation pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille de gérer, à la place du salarié, le suivi de son indemnisation. C’est donc clairement le salarié absent qui bénéficiera des mesures de simplification, tandis que l’employeur déjà mis à contribution financièrement, se verrait imposer de nouvelles contraintes. À force de ne pas vouloir faire de vagues, le rapport en vient à proposer des mesures qui simplifient l’absentéisme plutôt que la reprise d’activité.
Article écrit par
Damien Vieillard-Baron