La complémentaire santé des travailleurs en ESAT

Rédigé par Estelle BALDERESCHI        Publié le 22/05/2024

Pour faciliter l’accompagnement des personnes en situation de handicap et leur insertion sur le marché du travail, la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a prévu une généralisation de la complémentaire santé pour les travailleurs handicapés accueillis dans les ESAT, à effet du 1er juillet 2024. Les établissements et services d’accompagnement par le travail (ESAT) sont des établissements qui permettent aux personnes en situation d’handicap d’exercer une activité professionnelle tout en bénéficiant d’un soutien médico-social. A ce titre, ils ne sont pas considérés comme « salariés », puisqu’ils ne bénéficient pas d’un contrat de travail, mais d’usagers d’établissements médico-sociaux, sous contrat de soutien et d’aide par le travail. Ces contrats sont régis par le code de l’action sociale et des familles et non par le code du travail, comme c’est le cas pour les salariés du secteur privé. Cette distinction a entrainé l’exclusion de cette population de la généralisation de la complémentaire santé lorsque celle-ci a été rendue obligatoire en 2016.  

 

Le flou juridique autour des contrats couvrant les travailleurs dans les ESAT

Ce traitement différencié paraissait incohérent au regard des besoins spécifiques de cette population en matière de santé. Certains employeurs avaient alors fait le choix de couvrir leurs travailleurs handicapés à travers une complémentaire, facultative ou obligatoire, avec participation patronale ou non. Lorsque l’employeur faisait le choix de financer une part de la cotisation, le sujet de l’exonération des cotisations patronales restait flou et plusieurs établissements ont fait l’objet d’un redressement après avoir pratiqué une exonération de charges sociales leur financement. L’ACOSS opérait une distinction lorsque le contrat frais de santé mis en place couvrait les travailleurs handicapés au même titre que les salariés de l’ESAT, et les cas où l’employeur avait mis en place un contrat qui leur était spécifiquement réservé. Dans ce deuxième cas, l’ACOSS considérait que cette population ne constituait pas une catégorie objective et que, par conséquent, le caractère collectif n’était pas respecté. En plus des besoins spécifiques des travailleurs handicapés en matière de santé, les ESAT étaient donc en attente d’une clarification vis-à-vis des URSSAF et d’un cadre juridique pour les couvertures frais de santé existantes. C’est chose faite avec la loi pour le plein emploi qui vient définir le cadre juridique de la complémentaire santé pour les travailleurs handicapés et la rend obligatoire.

 

La nouvelle obligation de complémentaire santé des ESAT

Le dispositif mis en place pour couvrir les travailleurs handicapés des ESAT vient calquer celui de la généralisation de la complémentaire santé, en faisant référence aux II et III de l’article 911-7 du Code de la Sécurité sociale. Les grands principes de la généralisation de la complémentaire santé sont désormais applicables aux travailleurs handicapés des ESAT :

  • Mise en place obligatoire d’une complémentaire santé
  • Financement patronal minimal de 50% pour les garanties obligatoires
  • Respect des garanties « panier de soins » et du cahier des charges des contrats responsables (incluant le 100% santé)

Concernant les dispenses d’affiliation, celles-ci feront l’objet d’un décret qui permettra d’adapter les dispositions applicables. Comme pour les salariés, le dispositif mis en place permettra de bénéficier des exonérations sociales et fiscales dès lors que les conditions ci-dessus sont respectées et les plafonds d’exonération sont identiques. Il sera donc désormais possible de prévoir un régime différencié entre les usagers de l’établissement et les salariés sous contrat de droit privé. La création de ce dispositif permet de considérer que la catégorie « ensemble des usagers de l’établissement » répond au critère 5 des catégories objectives, défini comme « l’appartenance au champ d’application d’un régime légalement obligatoire » Il serait souhaitable que la Direction de la Sécurité sociale s’exprime et confirme ce point à travers le Bulletin Officiel de la Sécurité sociale.  

 

Les questions persistantes

La formalisation du régime complémentaire santé des ESAT

La loi dispose que « Les dispositions du code de la sécurité sociale et du code général des impôts qui s’appliquent aux contributions à la charge de l’employeur pour le financement de garanties portant sur le remboursement ou sur l’indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident s’appliquent dans les mêmes conditions aux couvertures souscrites en application du présent article. » et applique ainsi le cahier des charges des exonérations sociales et fiscales au nouveau dispositif Frais de santé à destination des travailleurs handicapés.

Qu’en est-il de l’obligation de formalisme à travers une Décision unilatérale ?

Ce formalisme est un acte issu du droit du travail et régit des relations de subordination entre un salarié et son employeur. C’est notamment ce formalisme qui autorise l’employeur à appliquer un précompte sur le salaire pour le prélèvement de la part salariale obligatoire. Rappelons que l’usager de l’établissement médico-social n’est pas concerné par ce lien de subordination et par le code du travail.

Faut-il appliquer la nécessité de formalisme, acte de droit du travail, à une relation qui n’est pas régie par le Code du travail ?

Bien que cette obligation n’ait pas été précisée et que le débat ne soit pas tranché, il reste préférable pour les ESAT de se couvrir en instituant une Décision unilatérale, notamment en raison du renvoi de l’article L344-2-10 du CASF vers les dispositions du Code de la Sécurité sociale concernant les exonérations. L’impact de cette procédure reste limité et cette préconisation permettra de prévenir d’éventuels redressements. Dans le cas de la signature d’une Décision unilatérale, il sera fait une analogie avec le droit du travail et les Conseils de la Vie Sociale (CVS), organes composés de représentants des usagers, seront consultés.

La portabilité

N’étant pas salarié, un travailleur handicapé qui quitte sa structure médico-sociale d’accueil ne bénéficie pas d’une prise en charge par France Travail. Cette prise en charge est pourtant la condition sine qua non du bénéfice du dispositif de portabilité. Par conséquent, à défaut de transposition pour cette population spécifique, les travailleurs handicapés ne bénéficieront pas de la portabilité des droits. Enfin, il sera nécessaire pour les conseils en assurances collectives de mettre en avant une complémentaire santé adaptée aux besoins des travailleurs handicapés et des ESAT. La gestion de ces contrats sera également essentielle et devra être à taille humaine, consciente de la population et de ses besoins, en proposant une gestion de proximité.

 

Gerep, fort d’une expertise dans le secteur social et solidaire, s’attache à mettre l’usager au cœur de la protection sociale et à soulager la charge administrative des entreprises.

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Article écrit par
Estelle Baldereschi

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