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Instauré par le Général De Gaulle en 1959, l’intéressement avait pour objectif de faire converger les intérêts des salariés et des employeurs, en associant les premiers aux succès de l’entreprise. Soixante ans plus tard, ce vieil outil de partage de la richesse produite reste toujours porteur de promesses. En effet, la Loi Pacte y a consacré l’une de ses mesures phares : la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés. Cette mesure sera-t-elle suffisante pour redonner un coup de jeune à ce dispositif, très connu, mais pas toujours très bien compris ?
L’intéressement, un dispositif qui ronronne
Depuis plusieurs années, l’intéressement stagne. Le forfait social, instauré en 2008 à hauteur de 2 % et rapidement porté à 8 % puis à 20 % en 2012, a considérablement réduit l’intérêt financier de cette prime particulière. En 2015, les versements enregistrés dans les entreprises de plus de 10 salariés dépassaient à peine 8 milliards d’euros . Si plus d’un salarié sur deux y a accès dans les entreprises employant plus de 250 personnes, l’intéressement est quasiment absent des entreprises de moins de 50 salariés. En effet, moins de 10 % de leurs effectifs en bénéficient.
Associer, en souplesse, les salariés aux performances de l’entreprise
L’intéressement ne manque pourtant pas d’attraits, tout particulièrement pour les petites entreprises. Facultatif, il résulte nécessairement d’un accord avec les salariés ou leurs représentants. Le calcul de la prime d’intéressement peut être adossé aux résultats de l’entreprise. Ainsi, il offre aux salariés une forme de rémunération variable et collective, proportionnelle aux bons résultats de l’entreprise. Cependant, il peut également être lié à des critères de performances plus ciblés, absents des livres de comptes. Par exemple, dans le bâtiment, certains accords d’intéressement portent sur le respect des délais sur les chantiers ou l’entretien du matériel. Dans les services et le conseil, le taux de satisfaction des clients peut être un critère pertinent. De cette façon, l’intéressement permet de mobiliser les salariés autour d’objectifs collectifs précis, sur lesquels ils ont pleinement la main. Un impératif, toutefois : les critères doivent être objectivement mesurables. En mixant différents critères, l’accord d’intéressement aboutit à une formule de calcul personnalisée qui déterminera, au moins pour trois ans, les sommes à verser aux salariés.
Un coût qui redevient attractif pour les entreprises de moins de 250 salariés
Avec la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés, le différentiel entre le coût de la « prime » d’intéressement et celui des compléments de salaire redevient spectaculaire. Pour une gratification nette de 100 euros, sous forme de salaire, il en coûtera à l’employeur, au minimum, 180 euros. Versé sous forme d’intéressement, le même montant de 100 euros net n’aura coûté que 111 euros à l’employeur (111 euros dont on déduit la CSG-CRDS de 9,7%). Malgré ce coup de pouce financier, le développement fulgurant de l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés n’est pas garanti.
Des freins qui en disent long sur la vraie nature de l’intéressement
Premièrement, la mise en place d’un accord d’intéressement nécessite une phase de négociation avec les salariés. Celle-ci peut faire intervenir différents interlocuteurs : représentants syndicaux, CSE ou les salariés en direct, appelés à ratifier une proposition faite par l’employeur. Une phase de négociation est toujours un bon moment pour prendre le pouls des salariés de l’entreprise.
Une fois que les discussions ont abouti, que les délais légaux sont écoulés, l’accord peut être déposé. Il revient alors à l’employeur d’assurer la vie de cet accord dans la durée : les critères retenus doivent être mesurés et faire l’objet d’une communication active et claire auprès des salariés. En effet, la signature d’un accord d’intéressement implique une certaine transparence quant aux performances de l’entreprise ce qui peut rebuter de nombreux patrons de petites et moyennes entreprises, qui sont ainsi amenés à présenter des résultats, les expliquer et finalement rendre des comptes à leurs salariés. Sous cet angle, on comprend bien que certains préfèrent en rester aux primes classiques, attribuées de manière discrétionnaire et individuelle aux salariés jugés méritants !
Même si l’intéressement valide l’idée d’une contribution collective des salariés à la performance de l’entreprise, et d’un partage du résultat négocié, il n’enchante pourtant pas, non plus, la totalité des syndicats et autres leaders d’opinion. Attachés à la prééminence du contrat de travail, mais aussi réticents à partager le risque comme les bénéfices de l’employeur, ou encore allergiques aux dispositifs d’épargne salariale, certains d’entre eux lui vouent une méfiance sans limite.
Ces réticences, venues de tous les horizons, démontrent que l’intéressement est bien plus qu’une simple prime défiscalisée. C’est un outil qui permet de renforcer le sentiment d’intérêt commun entre le patron et le salarié, et finalement d’atténuer les clivages traditionnels au sein de l’entreprise. Bref, une première étape vers un changement de culture managériale.
Article écrit par
Margaux Vieillard-Baron